Depuis une dizaine d'années, l'on voit émerger au sein de la société civile française, de nouveaux groupements protestataires. Davantage orientés vers la défense de populations à faibles ressources et constitués autour de causes spécifiques, ils revendiquent des politiques différenciées de l'intérêt général. Le dynamisme de ces acteurs semble ainsi attester d'un désir de participation démocratique librement motivée dans l'action auto-organisée et témoigne certainement aussi de leur capacité à restituer l'authenticité de la position citoyenne par le biais d'une revalorisation de la gestion des luttes à la base. Le mouvement social se structure alors plus naturellement sur un "nouveau" type de corps intermédiaires : des organisations de petites tailles, non fédérées et dégagée des inféodations idéologico-politiques traditionnelles, qui réarticulent dans l'action collective des dimensions à la fois éthique et politique

Par ailleurs, du mouvement de novembre-décembre 1995 à celui des chômeurs ou des sans-papiers, en passant par les organisations associatives (Droit Au Logement, Droits Devant!!, Act Up-Paris, ATTAC, etc.) et les structures syndicales (SUD-PTT, SNUI, FSU, etc.), les principaux acteurs du mouvement social, ont tous, à des degrés divers et selon des modalités qui leurs sont propres, développé des usages spécifiques des technologies de l'Internet.

Les pratiques militantes de communication liées aux technologies de l'Internet seraient en quelque sorte la traduction techno-logique d'un certain type d'engagement qualifié par Jacques Ion d'"engagement distancié", que nous rebaptisons dans le sillage des économies de la grandeur (à l'aune de leur plus récente formulation) : critique sociale par projets. L'objet de notre communication est donc de mettre en lumière l'investissement dont ces objets et dispositifs sont la cible de la part des militants et de circonscrire ainsi les éléments d'opportunités et de contraintes qu'ils constituent au regard de l'action critique envisagée.